Histoire politique de la Colombie (wikipedia en plus cool ?)

Couv : Colombia Coca Cola – Antonio Caro (2010)

28/06

J ai commence a compiler mes anecdotes de vie a Bogota, que jai trouvees insipides sans mise en perspective de l histoire recente tragiquement violente de la Colombie. Je partage ca parce que ca ma vivement interesse de comprendre la reputation sulfureuse de ce pays au dela des infos du JT. Avertissement : même si c’est un brin raccourci, ca pourra sembler  rebarbatif et recemment ce n etait pas tres gai. Ce sera donc moyennement captivant selon les sensibilites et le degre de receptivite du moment => ne pas hesiter a repousser cette lecture a un moment propice a recevoir les info les moins faciles a capter.

Voici ce que je retiens :

Il y a 12 000 ans, des sino-russes passent le detroit de Bering a la faveur dune glaciation et se deploient rapidement sur le territoire americain. En Colombie pre-hispannique, plusieurs civilisations cohabitent, elles sont assez avancees poilitiquement et socialement. L agriculture est prospere, le travail de l or est maitrise ; elles l utilisent beaucoup dans objets decoratifs bijoux, et ornements rituels.

museo del oro

Piece maitresse du museo del Oro  (Bogota) : Maquette du radeau de la ceremonie rituelle de passage du pouvoir Muisca a la Laguna de Guatavita (photo colombia.com). Ce lac est situe dans une sorte de cratere. Les objets en or y etaient jetes en offrande lors de la ceremonie. Ceci serait a l origine de la legende de l Eldorado qui a eu la vie dure sans jamais rien rapporter de significatif semble-t-il : les conquistadors ont ouvert des le XVIe une faille de 20 m de haut sur le cratere pour vider l eau et ainsi recuperer l or, quelques pieces mais pas de tresor. Des tentatives de vidage par tunnel n ont donne que de la vase. Une compagnie anglaise a continue l exploration jusqu en 1929. Le site est protege depuis 1961.

En 1492, les espagnols a la recherche des epices indiennes tombent sur l Amerique et investissent la place. La legende de l Eldorado se cree, ils s enfoncent le chercher dans le continent jusqu au Chili, sur la base de fake-news de ces facetieux natifs. Ces derniers sont par ailleurs decimes et les survivants plus ou moins reduits en esclavage dans les encomiendas

Vers 1800, mis sur la voie par les francais et les étasunien , les decideurs latino-americains decident qu ils en ont marre d etre sous le joug de l opresseur espagnol (comprendre : payer 30% de taxe et subir des regles absurdes et nefastes pour leur commerce).

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen traduite et distribuée en 1793 par Antonio Nariño, figure de l’indépendance, qui lui vaudra d’aller directement en prison (sans toucher 20 000).

Affaiblie par Napoleon, l Espagne ne peut resister a la vague independantiste qui balaie le sud du continent, menee au Nord par Simon Bolivar. La Grande Colombie est decretee en 1821 (Panama, Venezuela, et Equateur inclus, ces derniers partageant aujourd hui encore les couleurs du drapeau Colombien).

Bolivar

Simon Bolivar, El libertador

Le reve d unite de Bolívar éclate en 1830, Venezuela et Équateur devenant indépendants, et laisse vite place en Colombie (ou Nouvelle Grenade ou selon les régimes) aux guerres civiles quasi ininterrompues jusque tout début XXe. Les  federalistes et republicains prennent le pouvoir alternativement (passons sur les enjeux que je nai pas bien compris). Le territoire actuel est définitif en 1903 suite à la memorable et sanglante guerre des milles jours : le Panama profite de la situation pour se faire la malle, le gouvernement n ayant pas les moyens de le retenir (appui des USA qui flairent le bon coup avec le canal). A la fin desdits mille jours, les republicains (parti conservateur) « gagnent » définitivement sur les federalistes (parti liberal). La republique « conservatrice » proclamee par la constitution de 1886 tient donc, et ce meme jusqu en 1991.

drapeau

Libertad y Orden, la devise Colombienne

Sur la premiere moitie du XXe, ces 2 partis majoritaires, echaudes par la violence de la guerre des milles jours, mettent de l eau dans leur vin. Cela permet une acalmie, des reformes et le developpement de l economie. Ils se partagent le pouvoir « tranquillement » jusqu en 1948 : cette annee-la, Jorge Gaitan, opposant du parti liberal promis a la victoire lors des prochaines presidentielles, est assassine a Bogota.

Gaitan

Jorge Gaitan, figure Colombienne aussi « universelle » que notre De Gaulle, en grafiti dans le quartier de la Candelaria, Bogota

Les violentes emeutes qui s en suivent AKA « Bogotazo » (notamment : incendie ravageant de nombreux batiments historiques du centre ville) sont réprimées dans le sang par les conservateurs au pouvoir. Ces émeutes se prolongent dans tout le pays en guerre civile pendant 5 ans : AKA « La Violencia », qui provoque 300 000 morts. Tant de victimes en font un traumatisme profond et une période clé dans l’histoire de la Colombie. 

En 1953 une ephemere dictature militaire prend le pouvoir et tente de calmer le jeu, remplacee en 1957 par le « Front National » mis au point par une coallition droite-droite entre liberaux et conservateurs (encore eux), prevoyant l alternance du pouvoir et muselant tout autre parti. Si les droites craignent une revolution facon Cuba, Castro et le Che inspirent les partis de gauche exclus autoritairelent du gouvernement. Le PC cree sa branche armée : les « Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia-Ejército del Pueblo » (FARC-EP) que rejoignent les milices d autodéfense paysannes déjà constituées pendant « la Violencia », le mouvement ELN voit le jour. C est le debut du « Conflicto armado », qui court encore.

Dans les annes 60, l innefiacite de l’armée régulière face aux groupes armés paysans incite l’état à liguer les groupes armés d’extrême droite en créant les paramilitaires ; c est l engrenage de la violence, chacun des camps maitrisant ses territoires et oppressant les opposants qui s y trouvent. Les 2 camps se financent facilement en protegeant puis en participant au narcotrafic. On passe progressivement de bandes armees amateurs a de veritables GI-joe’s. Les guerillas recoivent l aide de l URSS et de Cuba puis des sandinistes, l action des paras dont le statut est officialisé (Autodefensas Unidas de Colombia, AUC), est appuyee par les moyens et l armement militaitaire du pays. Les opposants aux projets de developpements sont elimines (industrie, deforestation…). La situation degenere franchement dans les annees 80, la guerilla melangee au terrorisme du puissant cartel de Medellin (Escobar) s immisce jusque dans les villes (prise d otage du palais de justice de Bogota, attentats a la bombe…). 

escobar

Ne pas trop en faire sur Escobar, le colombien moyen n aime pas qu on ramene son pays a ce personnage. Dailleurs il deteste le succes planetaire de la serie « Narcos ».

A cette epoque les (bidon)villes commencent a se remplir des « desplazados forzados », sorte de refugies internes. Y affluent les paysans pauvres qu on veut par exemple forcer a cultiver la coca, les populations discriminees indigenes et afro-americains, chassees de leur terres par la violence (guerillas, para et narco confondus). Ce mouvement continue, on parle en tout de 7 millions de personnes (source HCR). 

1973 1985 1993 1996 2000 2005
2 868 123 4 273 461 5 484 224 5 859 861 6 422 198 6 840 116

Croissance demographique Bogota

A ce ryhme, forcement Bogota  est chaotique, pas sure, pas adaptee. Medellin en revanche, avec sa politique urbaine et sociale, est reputee s en sortir mieux, a suivre.

bogota

Bogota, sous perfusion de la pauvreté liée aux déplacés

En 1991, la nouvelle constitution qui retablit le pluralisme politique ouvre la voie a un reglement du conflit. Dans la foulee, nombre de revolutionnaires deposent les armes et se constituent en un parti avec pignon sur rue, ca part bien. Mais les leaders sont assassines par les paras… Les survivants reprennent le maquis, c’est reparti pour un tour de violence.

En 2000 l oncle Sam desirant diminuer le narcotraffic, lance le « plan Colombie » et finance massivement l armee Colombienne. Ce renforcement permet de justifier le désarmement (partiel) des AUC (paras) et de faire livrer par l’armée régulière une guerre impitoyable aux guérillas. Les FARC sont ainsi reduits a peau de chagrin par Alvaro Uribe (son pere militaire a ete assassine par la guerilla…). Contraints de negocier avec le Gouvernement du successeur d’uribe, Santos, une nouvelle porte a un reglement du conflit s ouvre.

On arrive donc houleusement a l accord de Paix signe en juin 2016 entre le president Santos et les FARC (mais pas l ELN), rejete dans la foulee par référendum populaire. Les opposants reprochent trop de clemence envers les anciens guerilleros. Neanmoins, un nouveau texte moins clement est signe et ratifie en novembre 2016. Son application n est pourtant pas garantie…

Le scandale des faux-positifs (estimation de 3000 paysans innocents assassines par l armée régulière, préalablement deguises en guerilleros pour que la depouille soit credible) dans la decennie 2000 n a pas entame la foi en Uribe et ses methodes, ni sa grande popularite : son poulain « anti-accord de paix » Ivan Duque vient d etre etre elu president le 17 juin (Duque est novice en politique, inconnu avant la presidentielle). Les colombiens semblent reconnaissants a Uribe d avoir « pacifie » le pays quel qu en fut le prix.

A noter l accession surprise et inedite au 2e tour du candidat de la gauche favorable a l application de l accord de paix et favori des quartiers populaires et des jeunes : Gustavo Petro, ex-maire de Bogota. Si louables soient ses intentions, son profil d ancien guerillero du M-19 l a desservi, la peur d un Chavez Colombien a ete dissuasive.

petru

 Affiche pour Petro dans un bar de Bogota

L histoire politique de la Colombie est ainsi depuis toujours ancree a droite, influencee par les USA et empreinte depuis les annees 50 d une « culture » de violence civile latente, parfois cautionnee par l Etat, que le narcotrafic a agrave et qui perdure. Pas moins de 5 candidats a la presidentielle ont ete assassines depuis 1980. Actuellement, les regions « orphelines » de l autorite des FARC, voient les assassinats d activistes sociaux, environemtaux, leaders des populations natives se multiplier : 282 depuis janvier 2017 selon l institut colombien charge des droits de l homme. Cf article le monde, CCFD, liberation.

A bientot pour des trucs plus gais sur la Colombie.

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