Rando des Dientes de Navarino et Lago Windhond au refuge Charles avec Yuval

Pour voir tous les panoramas des îles du cap Horn sur l’horizon, des Dientes de Navarino et photos de la nature, c’est par là.

19/02, 13h30

Départ de Puerto Williams chouïa-chouïa, après le passage pour m’enregistrer chez les Carabinierios de Chile (Orden y Patria). Michelle FaBachelet est encore la présidente en exercice (jusqu’au 11 mars en fait) malgré l’élection de Sebastian Pinera dès le 17 décembre, (ça doit fonctionner un peu comme aux USA avec une longue période avant la passation de pouvoir).

michelle Bachelet

L’équipement

Avec de la nourriture pour 5/6 jours, le plan est d’attraper du poisson au Lago Windhond, et d’y squatter au refuge Charles. Dans le cas contraire, il faudra terminer la boucle du trek avant d’avoir épuisé les réserves.

Il me faut donc encore acheter du fil de pêche, des hameçons et une espèce de bobineur en bois qui fera office de canne. Le vendeur, Célio est un Français sympa moins vendeur que guide de montagne, qui passe sa vie en « été », alternant grand sud et grand nord, Puerto Williams et l’Alaska…

Pour la première tentative de pêche de ma vie, il me laisse de bonnes chances d’espérer que truites et peut-être même saumons mordront, m’indique les bons coins, ainsi que la technique pour faire un noeud, (je le filme). Il m’apprend comment lancer la cuillère et utiliser le substitut de canne.

mappa

C’est tipar

carte des dientes

Pour éviter de transpirer dès le début dans la méchante montée au Cerro Bandera, je coupe par le lago Robaldo dont une équipée maroco-québéco-néozélandaise m’a dit du bien, notamment en ce qui concerne le bivouac. Ce n’est qu’à 2 heures de marche à tout casser, ce qui est bien dans le ton de cette première journée décollée à 13h30. La beauté du site finira de me convaincre que ça ira pour aujourd’hui. Calme et solitude absolus, probablement car ce n’est pas le sentier principal.

coucher de soleil

Les feux sont tolérés et la nuit frisquette, je ne me fais pas de prières pour monter une bonne flambée.

Feu de joie

L’objectif du lendemain est d’aller directement au Lago Windhond, (même si ça fait une grosse journée pour J2 vu que je n’ai quasiment pas avancé J1).

A la laguna del Salto, un couple argentin à qui je laisse copier le détail des sentiers sur leur carte se sentent obligé de me proposer une barre chocolatée. Pas chère payée.

lago

D’autant que je ne suis pas parti les mains vides.

Pause dej

Je m’attarde au Paso de los Dientes, un des clous du spectacle avec ce lac émeraude dans cet écrin minéral. On est à 765 m d’altitude, on se croirait au dessus de 3000 (version Alpes).

Paso Dientes

cactus

Beaucoup plus tard dans l’après midi, je tombe sur un bivouac où un certain Louis a déjà monté sa tente. Il
– revient du lac
– est Français et sympa
– m’explique pourquoi il me déconseille de tenter de boucler l’aventure jusqu’au lac aujourd’hui.
C’est entendu, j’irai pour J3. Je pose ma tente, nous discutons de notre coup de foudre pour l’Argentine et des divers treks d’Ushuaia. Pour la première fois, quelqu’un que j’aime bien m’en parle positivement et me donne envie d’y aller. Jusqu’ici, on m’a dit que les flots de touristes, le marketing bout du monde et les parcs nationaux payants sont agaçants et que ça vaut bof le coup.

Une rencontre

A la tombée du jour arrive un jeune barbu, type arabe. Comme toujours, on se demande de quel pays chacun vient, il est Israélien. Malgré les bons moments passés avec Tslil en arrivant à Buenos Aires, quasi tout ceux que j’ai pu rencontrer depuis furent plus ou moins désagréables. C’est un sujet de conversation qui revient souvent avec d’autres voyageurs d’Amérique du Sud : ça oscille entre : ils ne font que picoler et être bourré-relou, ils se croient tout permis et ils restent ridiculement entre eux. Il y a aussi le fameux incendie du parc Torres del Paine dont tout le monde a entendu parler, et surtout de la nationalité des responsables. A tel point que bon nombre d’auberges affichent des mises en garde spécifiques en hébreu. Pour faire court, à peu près tout le monde les évite. Sauf que lui, 1) il est tout seul 2) il a même eu l’air sympa pour le peu qu’on s’est adressé la parole avant qu’il ne s’installe. Il nous rejoint plus tard autour du feu et s’avère en effet sympa, intéressé et intéressant. Yuval a eu la même idée que moi : squatter éventuellement au lac à condition de pêcher et boucler ensuite le trek des Dientes de Navarino.

La vue

Le lendemain, je monte le premier vers le Monte Bettinelli, Yuval suit. Encore une fois, au dessus de 500m, plus grand chose ne pousse. En se retournant, la vue est superbe sur les Dientes et les lacs en contrebas. En prenant de l’altitude, les neiges éternelles des montagnes de Terre de feu se dévoilent en arrière-plan. Le vent souffle, ma casquette s’envole une paire de fois.

pierrier

Dientes

neiges éternelles terre de feu

Le ciel se découvre et avec lui, au fur et à mesure de la montée, un paysage que les rares nuages qui restent viennent sublimer. C’est une chance inouïe, j’ai devant : à gauche un lac de montagne émeraude, en face le mythique cap Horn, le Lago et la baie Windhond ; derrière : les Dientes ; et encore derrière : les montagnes de Terre de feu. Le tout sous le soleil à 360° – mais avec un vent de dingo. (Pour être honnête, le cap Horn himself est vraisemblablement caché derrière les autres îles Wollatson). Le vent frais souffle si fort vers la falaise, emportant un baton que je me fais un peu peur. Renforçant un kern pour me construire une sorte de dossier coupe vent en pierre, je m’abrite avec de la musique planante dans les oreilles, et je passe 2 heures emmitouflé avec toutes les couches disponibles, en méditation contemplative, c’est grandiose. Yuval me dépasse, on convient de se retrouver au refuge.

cap horn

panorama

Dossier

Kenny

Ca continue à couper le souffle en descendant sur le Lago Windhond face au Cap Horn.

panorama

pyramide

image

La suite est une descente difficile avec obstacles et boue dans une forêt biscornue. Je suis surpris d’y retrouver Yuval qui s’est pris lui aussi 2 heures pour bouquiner et dormir au calme, à l’abris du vent. Nous finirons donc la route ensemble. En bas de la forêt il y a une zone marécageuse, en fait ravagée par les castor, qui s’attaquent à des arbres impressionnants (genre 60 70 cm de diamètre).

foret

travail de castor

Castor

C’en est fini des dénivelés pour aujourd’hui. Les 3 km jusqu’au Lago se font sur un terrain tourbeux recouverte d’une végétation rase et d’îlots spongieux souple sous les pieds, sur lesquels il faut passer.

ilots de mousse

Chasse, pêche, nature et tradition

La suite ce sont 10 jours fraternels passés avec Yuval qui me dit d’emblée « whatever is mine is yours ». D’abord au Lago Windhond, puis sur la fin du trek des Dientes. Au refuge nous devenons un peu les hôtes, où les randonneurs passent en général une seule nuit.

refuge Charles

refuge

refuge cuisine

Nous pêchons chaque jour ce dont nous avons besoin, emmenons les gens sur le spot qui marche : au milieu de l’eau, de l’eau à mi-cuisse, à l’embouchure de la rivière (bien emmitouflé). Mon substitut de canne fonctionne impeccablement, ma première prise me rend tout joyeux. Inutile de dire qu’il y a competition de pêche même si nous partageons tout ce que nous attrapons (différentes espèces de carpes, (rouges, grises à pois blanc…). J’apprends à vider un poisson.

première prise

canne à peche

Nous essayons tous les modes de cuisson possibles ; barbecue, au four (dans une casserole sur le poele), et même fumé grâce à un autre Pierre, cuistot qui passe une nuit avec nous.

bbq

poissson au four

poisson fumé

aristochats

Un Américain surchargé de nourriture (par sa copine, de peur de manquer) nous sauve la mise car sans lui nous n’aurions pas tenu 5 jours en mangeant uniquement du poisson matin midi et soir. Il nous laisse un kilo de carottes fraiches, un kilo de de poudre de purée mousline, et un kilo de muesli croquant pour le petit déj. God bless America.

Pour diversifier notre régime, nous mangeons aussi beaucoup de Calafate et d’une autre baie qui ressemble relativement à une micro-pomme : la Chaura, ou Gaulthérie mucronée (à placer en toute simplicité en réunion ou au diner entre amis).

calafate

Avec Yuval, nous nous entendons et nous complétons bien. Un soir, il me raconte sa vie d’ancien capitaine d’un escadron de Tsahal, à dénicher des caches d’armes (roquettes, kalach) dans les écoles Palestiniennes. Enfant il a été victime d’un attentat à la voiture piégée, un de ses amis y a laissé une main. A propos du conflit, avec la Palestine, il est équilibré, mesuré dans ses propos. Je ne verserai plus dans l’Israelien-en-voyage bashing de base.

Une nuit, les visons qui squattent sous la cabane me réveillent encore, ils retournent tous les ustensiles de cuisine. Ils sont tout petits (mélange rat-écureuil), espiègles et dans la journée, si de la nourriture est en jeu, ils te défient du regard en poussant une espèce de petit cri ridicule. La nuit précédente, ils nous ont pris 2 poissons (problème de la surpêche !), que nous avions laissés au frais sur la rive, intelligemment protégés pensions-nous, dans et par le filet. Au réveil, plus de poissons et filet éventré. Avec ce passif, je me lève énervé pour les chasser. Encore dans les vapes, j’en vois un vulnérable et le transperce un avec mon baton de rando avant de réaliser ce que je viens de faire et d’avoir la nausée. Le lendemain, pour ne pas l’avoir tué en vain, je le vide et récupère sa peau douce, aidé en cela par les astuces de Pascal (le chasseur de Castor de l’île). Peine perdue, la douane Chilienne en terre de feu ne me laissera pas la réintégrer dans son pays natal après mon petit tour à Ushuaïa.

Précisons que je savais depuis l’arrivée au refuge que ces animaux (ainsi que les castors), introduits par l’homme dans l’écosystème Patagonien, sont indésirables et considérés comme nuisibles.

killer

La fin des Dientes

La veille de quitter le refuge, nous partons pêcher confiants puisque ça a mordu à gogo jusque là, mais excès de confiance, nous ne ramenons rien. Fichtre, le seul jour où nous aurions bien voulu nous assurer de l’énergie pour le lendemain.

La fin du parcours est magnifique et un peu difficile, entre arc-en-ciel, boue, pierrier, descente en surf sur les caillases, zones ravagées par les castors et autres angles de vue sur les Dientes. Après 10j dans la montagne, la perspective d’une douche chaude et de draps propres est motivante. Pas faché que les derniers kilomètres de la route soient parcourus en stop.

dientes

Dientes

arc en ciel

Paso Virginia

fleurs

Pac man

laguna Guanacos

3 réponses sur “Rando des Dientes de Navarino et Lago Windhond au refuge Charles avec Yuval”

  1. Que c’est beau ! Fais attention à ce que tu manges, hein ? (J’ai revu Into the wild il n’y pas longtemps et du coup tu me files la frousse avec tes baies et tes carottes américaines !).
    Je sais pas ce qui m’épate le plus : pêcher des poissons avec une canne à pêche de fortune, ou bien le fait que tu aies dépecé un vison…
    Plein de bises

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