Valparaiso @Casa Piola

Par ici pour toutes les photos de Valpo, po weon!

9/3

Valparaiso @Casa Piola

L’avion pas cher de Punta Arenas à Santiago du Chili part à 23h30, j’ai réussi à faire les 700 km en stop depuis Ushuaia dans la journée pour l’attraper, je suis assez content de cette aubaine, ma peau de vison est vite oubliée. J’ai un peu d’attente et un bon wifi de l’aéroport. J’en profite pour une video-whatsapp avec des amis en train de faire la fête pendant les vacances d’hiver françaises. L’hiver 2018 en France mérite son nom apparemment, entre ça et les ennuis logistiques des grèves de printemps, je suis parti la bonne année (en fait j’ai réalisé à l’occasion de la déclaration d’impôts que c’est exactement le contraire à cause du passage au prélèvement à la source en 2019).

Atterri à Santiago à 3h du matin, déboussolé par le réveil en pleine nuit et regrettant un peu de n’avoir pas pu apercevoir les Andes dans la nuit sans lune, je me décide finalement pour aller à Valparaiso directement. Donc gare routière, le premier bus est à 5h30, 100 km à parcourir plein Ouest, jusqu’à la côte Pacifique. Je me retiens de piquer un roupillon pour éviter toute galère de vol.

Il n’y a pas d’arrivée spectaculaire sur Valparaiso en bus la nuit. J’avais repéré une auberge avec une belle terrasse où me conduit un taxi qui m’arnaque (c’est de bonne guerre). Mais je n’avais pas compris qu’elle ne fonctionne comme auberge « classique » que les 2 mois d’été (janvier et février) et loue ses chambres à des étudiants le reste de l’année. Par chance un Français sympa lève tôt qui y loge me laisse entrer volontiers et me fournit le wifi pour trouver une autre auberge pendant qu’il prend le petit déjeuner. J’admire la vue de la terrasse au lever du soleil.

Lever soleil Valpo

Les autres occupants se lèvent au fur et à mesure, un peu surpris de me trouver avec mon sac dans leur salon mais aussi souriants qu’on peut l’être à la tombée du lit : 1 autre étudiant français, 2 étudiants françaises, une jolie espagnole qui travaille dans une start-up, un anglaise, et un couple de polonais en « volontariat » pour faire le ménage, ils sont une douzaine en tout. C’est spacieux, l’ambiance à l’air sympa, je me serais bien vu passer un an dans cette « auberge Chilienne ». Le propriétaire a un chantier de « volontaires » sur une autre maison en contrebas et je tenterai ma chance sans succès.

Direction la Casa Lastra, je ne perds pas trop au change, c’est charmant, confortable et impeccable avec de grands lits, en un mot c’est parfait. L’agréable toit terrasse offre une belle vue aussi.

Dans mon dortoir je rencontre un rayonnant Uruguayen (on dit que ce sont des Argentins en plus cool, ça promet) et une jeune Hollandaise, francophone puisqu’elle habitait Paris avant de partir. Elle n’a pas l’air empotée, mais finit par me confier que les voyages en sac à dos, elle se demande si c’est vraiment son truc.

Vue casa lastra

On est vendredi, je passerai la journée à faire le touriste en règle, l’excitation de la découverte compensera la fatigue. Comme c’est le week-end, les étudiants « Erasmus » de Santiago rempliront l’auberge samedi soir, je ne pourrai pas rester, donc j’ai réservé une autre auberge pour le samedi, et je reviendrai à Casa Lastra le dimanche.

valpo maison

maisons colorées

Valparaiso est photogénique, avec une population jeune, populaire. Mais elle parait assez sale, mal entretenue, aux rues mal éclairées la nuit. Elle est située à l’ouest d’une grande baie dont l’extrémité est un isthme qui protège de la houle du pacifique, contre lequel s’est logiquement installé le port. Le bas de la ville (gagné sur l’eau) abrite l’activité, les marchés, l’administration, les élégants bâtiments du 19e siècle (la majorité pas vraiment entretenus), avec un trolleybus qui parcourt la ville.

valpo maps

poubelles

calle

escalier

La ville « résidentielle » aux petites maisons couvertes de tôle finement ondulée et peintes de couleurs vives s’est développée en montant de façon désordonnée sur les collines (ou « cerro » en espagnol : les ruisseaux ont creusés des vaux qui les délimitent, chaque cerro est un quartier et porte un nom). On dit que tôle et peinture sont de la récup du port : la tôle séparait les marchandises dans les entrepôts, la peinture serait le reste de ce qui servait pour peindre les coques.

vista

port

La ville est réputée pour son art de rue, sa vie nocturne et bohème, ses funiculaires d’époque, son réveillon de la saint sylvestre (centre-ville « piétonisé », ambiance fêtes de Bayonne avec feux d’artifices) et sa dangerosité (j’entendrai parler d’histoires crédibles et récentes d’agressions assez violentes, notamment à l’arme à feu).

seguridad

funi

Un nombre impressionnant de chiens de toutes races squattent les rues. Ils semblent n’appartenir à personne, sinon au quartier, dont les habitants participent à les entretenir. Ils passent leur journée à aboyer et courir après les voitures qui passent. Il est étonnant de voir comment ils repèrent les gens à l’allure anormale (patibulaires, souls…) et les suivent en groupe quelques mètres en aboyant de façon relativement agressive, façon de signifier qu’ils veillent au grain (mais en mordant rarement semble-t-il). J’ai vu un éboueur « contre attaquer » en courant 3 grands pas vers eux, ils ont détalé, la plupart sont bonne pâte.

chien

dog

Il y a aussi la place Anibal Pinto, point de rendez-vous des « punk à chien », la plupart aimables, qui vendent leur production « maison » (si j’ose dire, vu qu’on dirait plutôt des SDF). Qui d’un collier, qui d’une empanada ou d’un sandwich. Valpo est aussi très odorante (parfois grâce aux vendeurs de grillade à la sauvette, souvent à cause de l’urine ou autres déjections.

Quand on monte sur les hauteurs (en empruntant un mélange d’escaliers sinueux, de rues abruptes, et d’ « ascensor » : les funiculaires) et qu’on regarde la mer, on aperçoit le port à gauche, et les bateaux en rade sur la baie, à droite la cossue Vinha del Mar avec ses plages, un peu plus loin Renaca et tout au fond, la dune de Concon surplombée de ses grands immeubles résidentiels, qui semble fermer la baie.

Concernant l’historique, pour faire court, la Perla del Pacifico comme Valpo était appelée, était une escale privilégiée de la ruée vers l’or californien aux 18e et 19e siècles car depuis New York, il était plus rapide et sûr de faire le tour par le cap Horn, idem pour les marchandises. Jusqu’à l’ouverture du canal de Panama début 20e : tout s’est arr^té d’un coup et Valpo ne s’en est toujours pas remis. En dehors de la place Sotomayor où est installée le siège de l’armada de Chile, et qui a un traitement de faveur, c’est une ambiance générale de saleté teintée de délabrement. Les magasins, les trottoirs, les bars et les restaurants… mais qui garde un charme indéniable.

fils electriques

En matière de transport public, il y a le trolleybus des années 50 complètement dans son jus (ambiance cuba – ou l’idée que je m’en fais), le flambant neuf « métro » (Alstom, cocorico) qui est plutôt un RER longeant la côte, mais surtout les innombrables « micros ». Ce sont des minibus fou-furieux qui sillonnent le centre et les cerros (d’où la nécessité de puissants moteurs) en conduisant à tombeau ouvert, marquant l’arrêt de façon chaotique, (en biais, au milieu de la rue c’est plus la règle que l’exception). J’ai vu un chauffeur payer d’une pièce une sorte de guetteur loqueteux à calepin en l’échange d’une information que je n’ai pas comprise. Il semble que la prime du chauffeur dépende de sa rapidité à boucler son itinéraire, explication vraisemblable de cet empressement généralisé et franchement dangereux (les histoires d’accidents de micros plus ou moins spectaculaires foisonnent également).

trolley

Micro

Micros fous du volant

En 2003, les Cerros Concepcion et Allegre, les trolleybus et d’autres vieilleries attraction touristiques ont été classés au patrimoine mondial de l’UNESCO sur la proposition d’une association d’habitants. Ils voulaient éviter le renouvellement d’une expérience architecturale moderne ratée dans le centre-ville.

Moyennant quoi (1) les règlements de l’UNESCO s’appliquent. A tel point que les chantiers de rénovation ou de construction sont extrêmement compliqués à entreprendre. Dans cette partie de la ville d’essence « bric et broc », que probablement les Favelas Cariocas ne renieraient pas, ça semble un peu absurde. (2) Ces 2 quartiers contigus, en pratique n’en font qu’un. Ils sont devenus hyper-hyper-touristiques. Enchaînement « resto-souvenirs-hôtel » dans une harmonie colorée proprette que seuls les graffitis d’artiste à la mode viennent rompre est plaisante mais ne fait guère authentique quand a parcouru un tout petit peu la ville.

art de rue

art de rue

Pendant mon séjour, j’ai quasi toujours eu du beau temps à de rares journées nuageuses près, ce qui a maintenu bleu-vert l’océan Pacifique. Les nuits de fin de l’été ont été plutôt frisquettes. Voila pour l’ambiance.

Le vendredi soir se passe dans un bar jam-session dont le patron est sympa et français, mais je me dis qu’il s’est un peu trop fondu dans Valparaiso : il n’est pas bien entretenu. Je rencontre un Haïtien qui est sympa mais me laisse un je ne sais quoi de méfiance.

Le samedi, après avoir mis mon sac à la consigne de Casa Lastra et envoyé quelques bouteilles à la mer via le site workaway, c’est le moment de faire la tournée des auberges pour proposer mes services (grosso-modo je fais la femme de chambre / réceptionniste contre un lit dans un dortoir). J’irai directement à la rencontre des responsables, sur un désistement j’ai mes chances en dernière minute. Aidé par google map, j’ai optimisé ma tournée. (les hébergements sont à peu près tous au même endroit, dans le quartier touristique). J’y passe 6h non-stop, de 14h à 20h, et la seule touche que j’aurai sera la bonne : Léo, un Français propriétaire de son hostal, n’a rien pour moi mais a peut-être un piste, il prend mon numéro. A 20h la nuit tombe, je suis bredouille mais mérite une bière pour les efforts. Je connecte mon tél au wifi du bar. Les messages de la journée se téléchargent et avec eux la bonne nouvelle venue de Léo : je contacte immédiatement Dany, mon « employeur », le rejoint et décide de m’installer tout de suite, ça sera moins de va-et-vient, il me suffit d’aller chercher mon sac déjà prêt à Casa Lastra.

no te duermas

L’hostel de Dany n’est pas dans centre touristique, ce qui n’est pas pour me déplaire. En découvrant l’ambiance chantier qui règne dans le dortoir des « volontaires », Dany m’explique que des travaux sont en cours car ils ont repris l’activité depuis le 1er mars avec Luce, une autre Francaise. L’« hostal de visita », va devenir « Casa Piola ». Ils ne se connaissaient pas il y a 3 mois, mais se sont rencontrés car avaient le même projet de gérer un hostal. Sacré pari de s’associer si vite, mais qui me semble parti pour être bien tenu. Travailler pour des Français me déçoit un peu car je ne fais pas le tour de l’amérique du sud pour rencontrer des Vendéens, mais l’équipe est vraiment sympa.

Dany est de Chalans avec à peine 30 ans, bien relax qui a beaucoup voyagé, aime bien la bière et va sans doute devoir se patroniser un peu. A 27 ans, Luce diaphane et beaux yeux malicieux est déjà une main de fer dans un gant de velours. Flo, ami hyper relax de Dany, baba dans le bon sens, donne un coup de main pour le lancement de l’affaire. Alyssa, une amie Nantaise de Luce originaire de Tunisie est fan et de Lebron James, et volontaire avec moi. De temps à autre, Alex, musicien-charpentier ami de Luce avec toujours une anecdote de circonstance, déjà introduit à Valpo depuis plusieurs années vient faire avancer le chantier. Pour résumer, tout ce petit monde joue au Yams sur la terrasse de la Casa Piola. Un peu à part, il y a enfin Martin, l’Argentin dilettante noctambule fantomatique et batteur ne se séparant jamais de ses baguettes, qui est également volontaire.

equipo

De D à G : Dany, Flo, Luce, Alyssa, une amie de Luce, Alex, serviteur

oeil de beouf

Le travail n’est pas tuant, 5 h par jour. Comme ils reprennent l’affaire et que certains aspects n’étaient pas très bien entretenus ou conçus, il y a pas mal de petits bricolages à faire, qui me plaisent plus que de faire les lits.

Dès le lendemain dimanche, les sirènes hurlent dans la ville et des rues sont bouclées. Surprise, c’est l’investiture de Sebastian Pinera, successeur de Michelle Bachelet à la présidence de la république. C’est Pinochet himself, originaire de Valpo, qui a décidé de ce protocole dans sa constitution (toujours en vigueur). A noter qu’il y a également ici le parlement Chilien. Préalablement à Santiago, il avait été dissout 3 jours après le coup d’état, le 14 septembre 1973. Puis rétabli en mars 1990 ici plutôt qu’à Santiago. Bien « au chaud » près du siège de l’armada de Chile (à laquelle Pinochet appartenait et avait ses soutiens ; malgré la fin de la dictature, il restera commandant en chef de l’armée jusqu’en mars 1998).

congreso

Congreso de Chile, aérien (photo wikipedia)

La vie passe mollement dans cette sympathique communauté, entre repas, apéro à la bière Austral, quelques clients sympathiques, moultes parties de Yams, pain et confiture faits « maison » par Luce et Flo. De temps en temps je passe une après midi au parc de l’ancienne prison, agrémenté d’un beau centre culturel dans un bêtiment moderne. Quelques excursions aussi : à Laguna Verde voir un coin plus sauvage et ses milliers d’oiseaux, à Concon monter sur la dune et faire du surf, à Vinha del Mar voir la vie des riches et le mall (centre commercial) ultramoderne, à la criée au poisson de la Caleta Portales manger un ceviche bien frais et saluer les lions de mer. Monserrat, une connaissance de Punta Arenas (vendeuse du ticket de Ferry pour Puerto Williams, avec qui j’ai passé tellement de temps à mendier un billet que nous avons finalement lié connaissance) me fait faire un tour de la ville, passant par l’avenida Allemania qui serpente dans les cerros à 200m d’altitude tout pile, via la Sebastiana, une des 3 maisons de Pablo Neruda sans grand intérêt, et le « Museo à cielo abierto » qui concentre quelques grafitis plus « officiels ». Tout de même, j’irai passer 3 jours à Santiago du Chili, un autre billet y sera consacré.

monse

Monse

ex carcel

Parque ex-carcel

Vinha

El reloj, Vinha del mar

Oiseaux Concon

Oiseaux à Concón

Rap dans le métro

jetée et paquebots

Bateaux en rade

ceviche

Ceviche à la Caleta Portales

oiseaux

Caleta Portales

Lion de mer

Lion de mer pas content (impressionnant la première fois qu’il pousse son cri, ensuite on se rend compte qu’il n’y a pas grand chose à craindre vu sa vitesse de pointe de 0,2 km/h)

lion de mer

PS : Ci-dessous la description que fit le Che dans « Voyage à Motocyclette » après sa visite de la « Perla del Pacifico », qui correspond en tout point à ce que j’ai vu :

« Valparaiso est très pittoresque. Edifiée sur la plage qui donne sur la baie, elle a peu à peu, en s’agrandissant, grimpé sur les collines qui surplombent la mer. Son étrange architecture de zinc, échelonnée en gradins reliés entre eux par des escaliers tortueux ou des funiculaires, voit sa beauté de capharnaüm rehaussée par le contraste qu’offrent les différentes couleurs des maisons qui se mêlent au bleu plombé de la baie. Avec une patience de détectives, nous sommes allés enquêter dans les petits escaliers sales et dans les trous, nous avons bavardé avec les mendiants qui pullulent : nous avons ausculté les bas-fonds de la ville, les miasmes qui nous attirent. Nos narines dilatées captaient la misère avec un zèle sadique. »

shining

Une pensée sur “Valparaiso @Casa Piola”

Laisser un commentaire